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Punctum et Studium : quand l’image nous traverse

  • Photo du rédacteur: laurentbarrera
    laurentbarrera
  • il y a 5 jours
  • 2 min de lecture

Au printemps dernier, lors d’une masterclass aux Rencontres d’Arles avec le photographe Klavdij Sluban, j’ai découvert – ou plutôt redécouvert avec force – une notion essentielle formulée par Roland Barthes dans La Chambre claire : celle du Studium et du Punctum.


Depuis, ces mots me poursuivent et éclairent ma pratique photographique, notamment au Japon.


Le Studium : la lecture consciente


Le Studium, c’est l’assise culturelle, le contexte, ce que l’on reconnaît immédiatement dans une photographie. C’est un temple shinto, une cérémonie du thé, une estampe accrochée dans une maison traditionnelle : autant de signes qui s’offrent au regard et nourrissent notre savoir, notre curiosité, notre désir de comprendre. Le Studium est ce qui nous relie à une culture, un environnement, une histoire.


Au Japon, il se rapproche de cette capacité à contempler les formes codifiées de la beauté, un peu comme dans l’ikebana (art floral), où chaque branche, chaque fleur est signifiée et codée.

Sanctuaire de Nikko sous la pluie (photo en noir et blanc tirée de mon prochain ouvrage).
Sanctuaire de Nikko sous la pluie (photo en noir et blanc tirée de mon prochain ouvrage).

Le Punctum : l’éclair qui transperce


Mais parfois, surgit autre chose. Un détail infime qui vient nous piquer, comme l’écrit Barthes. Ce détail n’est pas prévu, il n’est pas universel : il touche chacun de manière singulière. Ce peut être une ombre qui traverse un torii, une feuille de ginkgo posée sur un banc, ou le regard furtif d’un inconnu croisé dans la rue de Kyoto.


Le Punctum ne s’explique pas. Il agit comme une émotion pure, un choc discret, une blessure douce.


Les Japonais parlent parfois de mono no aware, cette sensibilité à la beauté éphémère des choses, ou encore de wabi-sabi, cette émotion née de l’imperfection et du passage du temps. Le Punctum rejoint ces notions : il n’a rien de démonstratif, il se glisse dans l’instant et nous bouleverse sans prévenir.

Une goutte de thé (photo en noir et blanc illustrant une de mes nouvelles)
Une goutte de thé (photo en noir et blanc illustrant une de mes nouvelles)

Un dialogue constant


Le Studium attire notre regard par sa force culturelle, le Punctum le bouleverse par sa fragilité intime. En photographie, ces deux dimensions coexistent et se nourrissent mutuellement. Au Japon, cela pourrait être un temple majestueux (Studium) où, soudain, le reflet d'un jardin dans une goutte de thé devient le détail qui vous hante (Punctum).


C’est peut-être cela, au fond, qui me fascine dans l’acte photographique : cet entre-deux fragile, entre ce que l’on comprend et ce qui nous échappe, entre la lecture rationnelle et la vibration sensible.


 
 
 

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